Nous allons présenter une introduction à la théorie des probabilités.

C’est le domaine des mathématiques qui concerne l’étude des propriétés des systèmes aléatoires.

La plus grande difficulté consiste à réconcilier les notions mathématiques sur l’aléatoire avec les notions intuitives que vous avez déjà.

Les intuitions dans ce domaine s’avèrent souvent fausses donc méfiez-vous.

1. Concepts de base#

Nous allons présenter les bases de la probabilité et discuter les sujets suivants:

  • expérience aléatoire;

  • ensemble fondamental, événements, événements élémentaires;

  • opérations sur les événements: union, intersection, négation;

  • fonction de probabilité;

  • indépendance;

  • quelques formules: probabilité conditionnelle, probabilités totales, théorème de Bayes.

  • test notebook

Une partie de ce qui suit est tiré de la référence suivante: Dalang, R. C. et Conus, D. (2015), Introduction à la théorie des probabilités, Lausanne, Suisse: PPUR.

1.1. Expérience aléatoire#

La théorie des probabilités permet de décrire et de modéliser des phénomènes aléatoires.

Une expérience aléatoire est toute action dont il est impossible de prévoir le résultat avec certitude. On admet généralement qu’une expérience aléatoire peut être répétée indéfiniment dans des conditions identiques: le résultat peut varier d’une réalisation à l’autre.

  • jet d’un dé, d’une pièce de monnaie;

  • tirage d’une carte;

  • service au tennis.

Définition 1.2 (Modèles probabilistes)

L’ensemble fondamental \( \Omega \) est l’ensemble de tous les résultats possibles d’une expérience aléatoire. Lorsque l’ensemble fondamental est dénombrable, on a \(\Omega= \{\omega_1, \dots,\}\) et \(\omega_1, \omega_2, \dots\) sont appellés événements élémentaires. On appelle « événement » tout sous-ensemble de \(\Omega\). Un événement peut réunir plusieurs événements élémentaires.

Exemple 1.3 (Exemples d’ensemble fondamentaux)

  • Une expérience consiste à tirer une boule dans une urne contenant 12 boules: \(\Omega = \{ 1,\dots, 12\}.\)

  • Une expérience consiste à choisir aléatoirement un nombre dans l’intervalle \([0,1]\). \(\Omega = [0,1].\)

  • Une expérience vise à lancer une pièce de monnaie jusqu’à obtenir « Face »: \(\Omega = \{\) F, PF, PPF, PPPF,\(\dots,\}.\)

Exemple 1.4 (Lancer d’une pièce de monnaie)

\[\begin{align*} \Omega &= \{P,F\} \\ A &= \{P \} \text{ est un événement et un événement élémentaire} \end{align*}\]

Exemple 1.5 (Lancer d’un dé à six faces)

\[\begin{align*} \Omega &= \{1,2,3,4,5,6\} \\ A &= \{1 \} \text{ est l'événement « obtenir 1»} \\ B &= \{2,4,6 \} \text{ est l'événement « obtenir un pair » } \end{align*}\]

Définition 1.3 (Intersection d’évènements)

L’événement « \(A\) et \(B\) » sera noté: \( A \cap B \) (intersection d’ensembles). On a les propriétés suivantes:

  • l’intersection de \(A\) et \(B\) contient tous les événements qui sont contenus dans \(A\) et dans \(B\);

  • s’il n’y a aucun événement commun, alors l’intersection est l’événement vide: \( \emptyset \);

  • l’intersection est une opération symétrique: \( A \cap B = B \cap A. \)

Exemple 1.6

Lors d’un jet de dé, l’intersection des événements

  • « obtenir un chiffre pair » et « obtenir un chiffre premier » donne

    \[\begin{gather*} \{2,4,6\} \cap \{2,3,5\} = \{2\}.\end{gather*}\]
  • « Obtenir un chiffre pair » et « obtenir 3 » est vide:

    \[\begin{gather*} \{2,4,6\} \cap \{3\} = \emptyset.\end{gather*}\]

Définition 1.4 (Union d’évènements)

L’événement « \(A\) ou \(B\) » sera noté: \( A \cup B \) (union d’ensembles). On a les propriétés suivantes:

  • l’union contient tous les événements qui sont contenus dans \(A\) et de tous ceux qui sont contenus dans \(B\);

  • l’union est vide \( \emptyset \) seulement si les deux événements \( A, B\) sont vides aussi;

  • l’union est une opération symétrique: \( A \cup B = B \cup A\).

Exemple 1.7

Lors d’un jet de dé, l’union des événements «Obtenir un chiffre pair» ou « obtenir un chiffre premier » donne

\[\begin{gather*} \{2,4,6\} \cup \{2,3,5\} = \{2,3,4,5,6\}.\end{gather*}\]

Définition 1.5 (Complément d’évènement)

L’événement « non \(A\) » sera noté: \( A^c \) (complémentaire de l’ensemble). On a les propriétés suivantes:

  • l’événement complémentaire de \(A\) contient tous les événements élémentaires qui ne sont pas contenus dans \(A\);

  • l’événement complémentaire est vide seulement si \( A = \Omega \);

  • inversément, on a \( A \cup A^c = \Omega \) et \( A \cap A^c = \emptyset \).

Exemple 1.8

Lors d’un jet de dé, le complémentaire de l’événement«Obtenir un chiffre pair» ou « obtenir un chiffre premier » donne

\[\begin{gather*} \{2,4,6\}^c = \{1,3,5\}.\end{gather*}\]

Définition 1.6 (Différences d’évènements)

L’événement « \(A\) mais pas \(B\) » noté \( A \setminus B = A \cap B^c \) (différence des événements)

  • la différence contient tous les événements de \(A\) qui ne sont pas dans \(B\);

  • ATTENTION: la différence n’est pas symétrique;

  • \( A \setminus B = \emptyset \) seulement si \( A \) est contenu dans \( B \).

Exemple 1.9

Lors d’un jet de dé, la différence de l’événement « Obtenir un chiffre pair » avec l’événement « obtenir un nombre premier » donne

\[\begin{gather*} \{2,4,6\} \setminus \{2,3,5\} = \{4,6\}.\end{gather*}\]

1.2. Diagrammes de Venn#

Le diagramme de Venn est un outil simple pour visualiser les événements et les opérations entre événements.

  • L’ensemble fondamental est représenté comme un rectangle.

  • Les événements sont des disques contenus dans le rectangle.

../_images/venn1.svg

Fig. 1.1 : intersection \(A \cap B\)#

../_images/venn2.svg

Fig. 1.2 : union \(A \cup B\)#

../_images/venn3.svg

Fig. 1.3 : différence \(A \setminus B\)#

../_images/venn4.svg

Fig. 1.4 : complément \(A^c\)#

1.3. Fonction indicatrice#

Définition 1.7 (Fonction indicatrice)

On appelle fonction indicatrice de l’événement \(A\), notée \(\mathbf{1}_A\) la fonction définie comme

\[\begin{gather*} \mathbf{1}_A(x) = \left\{ \renewcommand{\arraystretch}{1.5} \begin{array}{ll} 1 & \text{ si }x\in A,\\ 0 & \text{ sinon.} \end{array} \right. \end{gather*}\]

Propriété 1.1 (Fonction indicatrice)

Soient deux ensembles \(A, B \subset \Omega\), dont on note les fonctions indicatrices \(\mathbf{1}_A\) et \(\mathbf{1}_B\) respectivement. On a alors:

  • \(\mathbf{1}_{A^c} = 1 -\mathbf{1}_{A}; \)

  • \(\mathbf{1}_{A\cap B} = \mathbf{1}_A \mathbf{1}_B; \)

  • \(\mathbf{1}_{A\cup B} =\mathbf{1}_A + \mathbf{1}_B - \mathbf{1}_A \mathbf{1}_B. \)

On peut ainsi facilement montrer les lois de De Morgan:

Théorème 1.1 (Lois de Morgan)

  • \((A\cup B)^c = A^c \cap B^c\);

  • \((A\cap B)^c = A^c \cup B^c\).

1.4. Fonction de probabilité#

Axiome 1.1 (Fonction de probabilité)

On appelle fonction de probabilité toute fonction \( \mathbb{P} \) qui vérifie:

  • \(0\leq \mathbb{P}(A)\leq 1,\) pour tout \(A\subset \Omega\);

  • \( \mathbb{P}(\Omega) = 1 \);

  • Pour toute famille d’événements \(\{A_n\}_{n=0}^\infty\) deux à deux disjoints, on a

\[\begin{gather*} \mathbb{P}\left(\bigcup_{n=0}^\infty A_n\right) = \sum_{n = 0}^\infty \mathbb{P}(A_n) \end{gather*}\]

En réalité, la fonction \(\mathbb{P}\) n’est pas uniquement définie sur tous les sous-ensembles mais seulement sur les sous-ensemble mesurables. Mais il s’agit d’une subtilité mathématique.

Propriété 1.2 (Fonction de probabilité)

Une fonction de probabilité satisfait les propriétés suivantes:

  1. \( \mathbb{P}(\emptyset) = 0 \) : la probabilité de l’événement impossible est nulle;

  2. pour toute famille finie de \(N\) événements \(\{A_n\}_{n=0}^N\) deux à deux disjoints, on a

\[\begin{gather*} \mathbb{P}\left(\bigcup_{n=0}^N A_n\right) = \sum_{n = 0}^N \mathbb{P}(A_n). \end{gather*}\]
  1. \( \mathbb{P}(A^c) = 1 - \mathbb{P}(A) \);

  2. \( \mathbb{P}(A \cup B) = \mathbb{P}(A) + \mathbb{P}(B) - \mathbb{P}(A\cap B) \);

  3. \( A \subset B \) implique \( \mathbb{P}(A) \leq \mathbb{P}(B) \)

Proof. 1. Soit \(0 \leq p = \mathbb{P}(\emptyset) \leq 1\) (axiome 1). Considérons la famille d’ensembles \(A_k = \emptyset\). Puisque \(A_i \cap A_j = \emptyset\) pour tous \(i,j\), cette famille satisfait l’axiome 3. Ainsi, on a

\[\begin{gather*}\sum_{k = 1}^\infty \mathbb{P}(\cup_{k = 1}^\infty A_k) = \mathbb{P}(\emptyset) = p \leq 1.\end{gather*}\]

Ainsi, puisque la série converge, on a nécessairement

\[\begin{gather*}\lim_{k \rightarrow \infty} \mathbb{P}(A_k) = 0. \end{gather*}\]

Or, Puisque \(A_1 = A_2 = \dots,\) on a nécessairement \(p = \mathbb{P}(A_1) = \lim_{k \rightarrow \infty} \mathbb{P}(A_k) = 0\), d’où le résultat.

  1. Soit une famille finie de \(N\) événements \(\{A_n\}_{n=0}^N\) deux à deux disjoints. Pour \(n \geq N + 1\), on définit \(A_n = \emptyset\). Alors les événements de la famille ainsi définie \(\{A_n\}_{n=0}^\infty\) sont eux aussi deux à deux disjoints. On applique l’axiome 3 et on obtient

\[\begin{align*} \mathbb{P}\left(\bigcup_{n=0}^N A_n\right) &= \mathbb{P}\left(\bigcup_{n=0}^\infty A_n\right) \stackrel{\text{ax. 3}}{ = } \sum_{n = 0}^\infty \mathbb{P}(A_n) \\ & = \sum_{n = 0}^N \mathbb{P}(A_n) + \sum_{n = N+1}^\infty \underbrace{\mathbb{P}(A_n)}_{ = 0, \text{ par prop. 1}} = \sum_{n = 0}^N \mathbb{P}(A_n). \end{align*}\]
  1. Soit \(A\) un événement donné. Par définition, on a \(A\cup A^c = \Omega\) et \(A\cap A^c = \emptyset\). On considère la famille finie d’événements disjoints \(\{A, A^c\}\). D’après 2}, on a alors $\(1 \stackrel{ax. 1}{ = } \mathbb{P}(\Omega) = \mathbb{P}(A \cup A^c) = \mathbb{P}(A) + \mathbb{P}(A^c),\)$ d’où le résultat.

La propriété 4 est un cas particulier du plus général principe d’inclusion-exclusion. Les propriétés 4 et 5 seront montrées aux exercices.

1.5. Evénements équiprobables#

Définition 1.8

Lorsque \(\Omega = \{\omega_1, \dots,\omega_N\}\) est un ensemble fini et sous l’hypothèse d’équiprobabilité, tous les événements élémentaires ont la même probabilité. On a alors:

\[\begin{gather*} \mathbb{P}(A) = \frac{ \text{nombre total d'événements élémentaires dans A} }{ \text{nombre total d'événements élémentaires} }.\end{gather*}\]

Avertissement

Attention à ne pas confondre évènements élémentaires et composés!

Exemple 1.10 (Deux lancers de pièces)

\[\begin{gather*} \Omega = \{PP, PF, FP, FF\} \end{gather*}\]

Donner les événements \(A =\)« au moins un P » , et \(B=\)« Au moins un F » , \( A \cap B\) et \( A \cup B\). Trouver les probabilités de ces événements si la pièce est équilibrée, c’est-à-dire si \( \mathbb{P}(\{PP\}) = \dots = \mathbb{P}(\{FF\}) = 1/4 \)

Exemple 1.11 (Événement équiprobables)

jet de deux dés: Quelle est la probabilité d’obtenir un 7 avec la somme de deux dés?